Syrie : fragmentation, conflits et avenir kurde en Syrie
- Echo Moyen-Orient
- 15 juin
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Dernière mise à jour : 20 juin

Parler de la Syrie aujourd’hui, c’est comme tenter de lire une carte effacée et redessinée dix fois en dix ans. Ce pays, autrefois considéré comme un des piliers du nationalisme arabe, est devenu un champ de fractures religieuses, politiques et militaires. L’histoire récente de la Syrie est celle d’une implosion. Et au centre de cette implosion, on retrouve plusieurs éléments clés : la mosaïque religieuse du pays, l’État islamique, les Kurdes et l'avenir kurde en Syrie et les puissances étrangères.
Une mosaïque religieuse en éclats
La Syrie est loin d’être un pays homogène. Même si la majorité de la population est musulmane sunnite, il existe une multitude d’autres groupes : les alaouites, les chrétiens (grecs orthodoxes, assyriens, etc.), les druzes, les chiites, et bien sûr les Kurdes, qui sont musulmans sunnites mais ethniquement différents.
Pendant des décennies, le pouvoir était concentré entre les mains de la minorité alaouite, notamment à travers la dynastie Assad. Mais depuis la chute de Bachar el-Assad fin 2024, le pays est entré dans une nouvelle phase. Un gouvernement de transition a été mis en place en 2025, dirigé par Ahmed al-Sharaa, avec le soutien de certains groupes de l'opposition, de représentants régionaux, et sous surveillance internationale.
L’émergence et la terreur de l’État islamique
Quand l’État islamique (Daech) est apparu, il a profité du vide. Du vide politique, du vide militaire, du vide idéologique. Ils ont réussi à imposer leur vision ultra-radicale sur des zones entières du nord et de l’est de la Syrie. Raqqa est devenue leur "capitale". Des exécutions publiques, des destructions de patrimoine, des viols systématiques, et une politique de terreur ont marqué cette période noire.
Mais si l’EI a pu s’installer, c’est aussi parce que personne ne contrôlait réellement ces zones. Et c’est là qu’entrent en scène les Kurdes.
Les Kurdes : de minorité marginalisée à force centrale
Longtemps ignorés, souvent opprimés, les Kurdes de Syrie n’avaient même pas la nationalité pour beaucoup d’entre eux avant la guerre. Mais avec la chute de l’État dans certaines régions, ils ont commencé à s’organiser.
Le YPG (Unités de protection du peuple) s’est imposé comme une milice défensive, puis offensive. À leurs côtés, les YPJ, les Unités de protection des femmes, ont surpris le monde entier par leur courage et leur discipline.
Ces forces ont été les premières à repousser Daech, notamment à Kobané, avec le soutien aérien des États-Unis. Peu à peu, elles ont pris le contrôle d’un vaste territoire du nord-est de la Syrie, formant ce qu’on appelle souvent le Rojava.
Aujourd’hui, ces régions administrées par les Kurdes sont quasiment autonomes. Elles disposent d’une armée structurée, d’un système politique local, d’institutions civiles, et même d’un réseau scolaire et universitaire qui commence à être reconnu au-delà des frontières. Des écoles multilingues, des universités, et une gouvernance locale se mettent en place avec une forte représentation des femmes et une volonté de cohabitation ethnique.
Nouveaux équilibres politiques et influences étrangères
Depuis la chute du régime Assad, la Russie a maintenu une présence militaire pour sécuriser ses intérêts stratégiques en Méditerranée, tout en reconnaissant de facto le nouveau gouvernement intérimaire.
Les États-Unis continuent de soutenir les Kurdes, les considérant comme un rempart essentiel contre un retour de Daech. Mais leur position reste délicate vis-à-vis de la Turquie, qui considère le YPG comme une branche du PKK et poursuit ses opérations militaires à la frontière syro-turque.
La Turquie, bien que membre de l’OTAN, reste en opposition frontale avec les projets kurdes d’autonomie. Elle tente de contrôler certaines zones frontalières tout en empêchant une reconnaissance internationale du Rojava.
L’Iran, pour sa part, réoriente ses alliances et tente de conserver une influence via des milices et des relais chiites. Les pays du Golfe relancent leurs investissements pour participer à la reconstruction, tandis que l’Union européenne surveille de près la question migratoire et humanitaire.
Mon regard : un futur syrien aux couleurs kurdes
Aujourd’hui, la Syrie est fragmentée : entre une autorité centrale de transition, un territoire kurde autonome bien structuré, et des zones encore contestées. Ce n’est pas viable à long terme sans solution politique inclusive.
Mais à mes yeux, ceux qui ont le plus gagné en légitimité, en respect et en organisation, ce sont les Kurdes. Ils ont montré qu’ils pouvaient gouverner, protéger, et faire face à des menaces extrêmes. Leur modèle politique progressiste, leur inclusion des femmes, et leur résilience en font aujourd’hui une des forces politiques les plus sérieuses du pays.
Je pense que dans un futur pas si lointain, les Kurdes pourraient devenir les principaux gouvernants d’une nouvelle Syrie, ou au moins obtenir une région fédérée pleinement reconnue et stable. Ce ne sera pas simple. Ce sera encore conflictuel. Mais ce sera probablement le socle d’un avenir plus juste dans une région brisée.
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