🐾 Pejdar, le chien des Kurdes : un gardien millénaire au cœur de l’histoire

Une silhouette gravée dans la pierre depuis des millénaires

Dans les montagnes du Kurdistan, un chien massif, noble et puissant veille sur les troupeaux et les hommes : le Pejdar. Ce chien n’est pas qu’un compagnon : il est un héritage vivant. Sur certaines fresques anciennes et gravures retrouvées dans la région de Zagros et d'autres zones du Croissant fertile, on aperçoit des hommes portant des chapeaux à large bandeau, parfois coniques, tenant en laisse des chiens géants au poitrail développé et à la posture fière.

Ces hommes ne sont pas anonymes. Leurs traits, leurs habits, et surtout leurs couvre-chefs, rappellent fortement les chapeaux traditionnels kurdes, portés encore aujourd’hui dans certaines régions rurales du Kurdistan (comme à Pshdar, Hewraman ou Kelar). Ces gravures semblent ainsi établir un lien visuel et culturel direct entre les anciens habitants de ces terres et les Kurdes d’aujourd’hui.

Le Pejdar : un compagnon de toujours

La race Pejdar (parfois appelée aussi Pshdar ou Kurdish Mastiff) est propre aux régions kurdes d’Irak, d’Iran et parfois de Turquie. Elle se distingue par :

• Une taille imposante : jusqu’à 90 cm au garrot

• Un poids atteignant 80 à 92 kg

• Une tête large, une peau lâche et des oreilles tombantes

• Un instinct de protection hors du commun

Élevé dans les montagnes pour défendre les troupeaux face aux loups, aux ours ou aux intrus, le Pejdar n’est pas un simple chien de berger : il est un membre de la famille, un protecteur sacré, souvent élevé avec soin dès sa naissance.

Un dressage transmis de père en fils

Les bergers kurdes ne dressent pas leurs chiens comme dans les écoles occidentales. Ils les élèvent dans un lien étroit de confiance, basé sur la coexistence quotidienne, l’instinct et le respect. Le Pejdar apprend le terrain, les sons, les odeurs et les dangers dès son plus jeune âge, souvent au contact de chiens adultes. Il devient, très tôt, le gardien silencieux du troupeau – et parfois de tout le village.

Un symbole d’identité kurde

Ce chien n’est pas qu’un animal de travail. Il incarne une part profonde de l'identité kurde. Par sa longévité, sa fidélité, sa force, il reflète les valeurs centrales du peuple kurde : résistance, attachement à la terre, transmission des savoirs.

Lorsque l’on regarde les anciennes gravures montrant des hommes kurdes en habits traditionnels tenant ces chiens à la laisse, on comprend que ce lien ne date pas d’hier. Il traverse les siècles, témoin d’une présence continue des Kurdes sur leur territoire, bien avant les frontières actuelles.

Le Pejdar aujourd’hui

Encore présent dans les zones rurales du Kurdistan, le Pejdar est aujourd’hui menacé par la modernité, les croisements non contrôlés, ou l’exode rural. Pourtant, de nombreux Kurdes s’attachent à préserver la pureté de la race, en organisant des élevages familiaux ou des concours locaux.

Quelques amoureux du patrimoine kurde militent aussi pour la reconnaissance internationale de cette race, à l’instar d’autres races régionales, comme le Kangal turc ou le berger d’Anatolie. Mais le Pejdar reste encore largement méconnu en dehors du Kurdistan.

Conclusion

Le Pejdar est bien plus qu’un chien : c’est un compagnon de l’histoire. À travers lui, c’est toute une mémoire qui ressurgit — une mémoire tissée de liens entre l’homme et la terre, entre le passé gravé dans la pierre et le présent vivant. Le préserver, c’est préserver un fragment du patrimoine kurde, noble et millénaire.

🔍 Sources et inspirations

• Dudley, John Paul. Among the Kurds (1892) — première description occidentale d’un chien géant kurde

• Analyses visuelles de bas-reliefs mésopotamiens et fresques de la région de Zagros

• Témoignages d’éleveurs kurdes de la région de Pshdar (via interviews YouTube/Instagram)

• Observations anthropologiques sur les vêtements kurdes traditionnels et leurs représentations anciennes